un interprétariat de qualité indispensable

À Mayotte, il y a nécessité d’un interprétariat de qualité et non d’une simple traduction pour que les trois parties (patient(e)/interprète/professionnel de santé) se comprennent, tant au niveau linguistique que des représentations.

Par exemple, certains mots français n’existent pas en shimaore et kibushi et nécessitent donc d’être expliqués et non traduits littéralement. De même, culturellement, les représentations sont différentes : par exemple, il peut être difficile de comprendre l’origine d’une maladie infectieuse car les micro-organismes ne se voient pas et l’invisible est plus naturellement associé à la présence d’un djinn (esprit).

 

Professionnels de santé INTERPRETARIAT DE QUALITE INDISPENSABLE Patientes
  • en majorité métropolitains
  • turn over important
  • langues variées : français, shimaore, kibushi, shigazidja, shidzuan...
  • culture animiste
  • religion musulmane

 

 

« Fatima se sent plutôt bien. Son bébé bouge. Son ventre s’est plus arrondi que l’année dernière quand elle attendait une fille.

Elle attend depuis six heures ce matin devant la porte de la consultation. La sage-femme lui a dit qu’elle devait rencontrer le médecin spécial pour les bébés mal formés. C’est lui qui doit lui rendre les résultats de sa piqûre dans le ventre.

Le professeur lui explique que son fœtus de 24 semaines d’aménorrhées plus 5 jours souffre d’une dilatation ventriculaire unilatérale de 11 mm… qu’il suspecte une agénésie du corps calleux… mais souhaite s’en référer à un confrère… Il se pourrait qu’on l’envoie faire une IRM en EVASAN (évacuation sanitaire) à La Réunion… si son dossier est accepté par la commission après constitution de l’Aide médicale d’État (AME)…

Fatima écoute. Elle se tourne vers la secrétaire mais celle-ci est occupée au téléphone pour les rendez-vous. Elle aurait dû venir avec sa cousine Saziley qui parle le français, mais celle-ci n’osait pas sortir… il y a eu beaucoup de rafles ces jours-ci dans le village !

« Magnégné »…, « tête très malade »…, « île de La Réunion »…, « toute seule »

Fatima repart. Rentrée à la maison, elle masse son ventre avec de l’huile de coco qui contient les versets du Coran que le fundi de M’tsamboro lui a préparé.

C’est décidé, elle restera accoucher à la maison. Inchallah… »

BELEC S., Un traducteur pour un consentement éclairé à Mayotte, 2008.

Pour faciliter la relation soignant/interprète/soigné, il relève donc de la responsabilité du soignant de vérifier la qualité de son message initial. Il doit être :

  • simple : ne contenir qu’une idée à la fois ;
  • court : pour permettre à l’interprète de bien intégrer le sens principal ;
  • synthétique : éviter les périphrases et les détours inutiles qui n’amènent rien de plus au sens principal ;
  • traduisible : éviter les termes médicaux ou techniques n’ayant pas d’équivalent en shimaore ou kibushi ;
  • direct : il est indispensable de s’adresser directement à la patiente en la regardant. L’expression du visage et la gestuelle sont en cohérence avec le sens du message ;
  • courtois : le vouvoiement est un signe de respect dans la culture métropolitaine et mahoraise.

Le travail en binôme soignant/interprète est donc capital.  C’est la clé de la diffusion d’une information claire, de messages d’éducation à la santé efficaces et de la relation de confiance indispensable entre soignant et soigné.

© Réseaux Santé Mayotte 2016